Pierre Pagé
Il a ramené les Nordiques sur le chemin de la respectabilité, avant de les mener au bord du gouffre. Un bourreau de travail qui n'a pas su s'arrêter à temps!

Pierre Pagé était un choix logique pour reconstruire les Nordiques après le désastre de la saison 1989-1990. Après avoir implanté le programme de hockey de l'université Dalhousie dans les années 1970, Pagé a fait ses preuves dans l'organisation des Flames en tant qu'entraîneur-adjoint à Calgary (1980 à 1982 et 1985 à 1989) et entraîneur de leur club-école (1982 à 1985). Ravi au Minnesota après une saison derrière le banc des North Stars, Pagé se jette dans l'aventure des Nordiques avec toute la fougue qui le caractérise. Claude Loiselle et Curtis Leschyshyn ne sont pas heureux à Québec? Pagé les envoie réfléchir un peu. On ne badine pas avec le gars de Saint-Hermas!

Pagé offre cependant un sacré contraste avec l'entraîneur Dave Chambers, le genre d'homme à éviter les vagues. Durant la série de 14 défaites des Nordiques en 1990-91, Chambers s'enferme dans son mutisme tandis que Pagé se montre particulièrement cinglant devant les journalistes: «Tenez-vous au courant car ça va partir en h... tantôt1!» Le directeur-gérant prend tellement de place dans les médias et le vestiaire qu'il devient difficile de savoir qui mène le club. L'expérience Chambers est un échec et, en novembre 1991 Pagé effectue un retour derrière le banc. Pas facile de cumuler les emplois de directeur-gérant et d'entraîneur, surtout avec le dossier d'Eric Lindros à régler!

Toujours muni de son calepin, Pagé est un maniaque du détail et il se montre toujours prêt à essayer de nouveaux trucs pour améliorer son équipe. Après avoir sollicité le champion olympique de patinage de vitesse Gaétan Boucher pour aider les joueurs à améliorer leur coup de patin, Pagé tente l'expérience de rondelles de couleur durant un entraînement (un clin d'oeil aux rondelles rouges et bleues de l'AMH?) et embauche un psychologue. Admirant le professionnalisme de Céline Dion, il montre une vidéo de la chanteuse à ses joueurs et invite la diva à chanter l'hymne national au Colisée. Informé du manque de sommeil et de l'alimentation discutable de certains joueurs, il en vient à la conclusion qu'il y a trop de célibataires chez les Nordiques!

Pagé connaît son heure de gloire avec la formidable équipe de 1992-1993, mais à leur première présence en séries éliminatoires depuis 1987, les Nordiques jouent mollement et s'inclinent en six rencontres contre Montréal. Furieux, Pagé s'en est pris directement à ses joueurs durant le sixième match au Forum, réservant ses insultes les plus croustillantes à Mats Sundin. Même Bergeron ne s'est jamais choqué comme ça! Cet excès de colère malheureux sera repassé des dizaines de fois à la télévision. Pagé fait d'autres crises du genre en 1993-1994, s'en prenant aux journalistes, à Jacques Demers (les deux feront la paix quelques semaines plus tard au Bye Bye du jour de l’An) et au contenant de Gatorade dans le vestiaire de l'équipe à Ottawa. Pour la classe, on repassera…

Incapable de motiver ses joueurs, Pagé perd un temps fou à exécuter des tâches secondaires comme le choix des hôtels durant les voyages de l'équipe. Tout le monde est d'accord à Québec, Pagé doit choisir entre le poste de directeur-gérant et celui d'entraîneur, il ne peut continuer à occuper les deux. Tout le monde, sauf le principal intéressé qui demeure convaincu de pouvoir régler lui-même tous les problèmes des Nordiques. Au printemps de 1994, il demande un dernier délai à l'équipe mais celle-ci a déjà pressenti Pierre Lacroix. Après son divorce à l'amiable d’avec les Nordiques, Pagé fera un bref retour derrière le banc avec Calgary en 1995-1996 et 1996-1997.

Notes de référence
1. Le Soleil, 17 novembre 1990, p. S2.


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