Les malheurs de l'AMH
L'AMH réussit à rivaliser avec la puissante LNH durant sept saisons, mais ce sont ses mésaventures qui retiennent l'attention.

Le défi était de taille: monter de toutes pièces en un an une nouvelle ligue professionnelle de hockey pour concurrencer la vénérable LNH, fondée 55 ans plus tôt. Inévitablement, l'AMH devait commettre des erreurs. Mais à ce point-là? En sept saisons, le nouveau circuit connaîtra tous les ennuis possibles et imaginables, à la grande joie de ses détracteurs. Sept ans de malheurs!

Dès les premiers matches préparatoires, la ligue se plonge dans l'embarras en mettant à l'essai des rondelles rouges. Une idée du président Gary Davidson, qui veut distinguer l'AMH de la LNH, comme il l'avait fait au basketball avec l'American Basketball Association (ABA) et ses ballons tricolores pour la différencier de la National Basketball Association (NBA). C’est un désastre immédiat: en raison de la teinture ajoutée au caoutchouc, les rondelles rouges se déforment sous les chocs… On rapplique avec des rondelles bleues, mais les mêmes ennuis se reproduisent. Rien de bien grave, toutefois, comparé à ce qui attend les Blazers de Philadelphie le soir de leur match inaugural. Comme la surface glacée n’est pas satisfaisante, on envoie la Zamboni faire un tour supplémentaire sur la patinoire; la machine défonce la glace et le match est annulé. La salle comble de 8000 spectateurs se défoule en lançant des dizaines de rondelles-souvenirs sur la vedette des Blazers, Derek Sanderson, qui s'est présenté au micro pour annoncer la mauvaise nouvelle.

Les mésaventures se poursuivent avec d'innombrables déménagements d'équipes, un fléau qui mine la crédibilité du nouveau circuit. Et quels déménagements! En 1973-1974 par exemple, les Golden Blades de New York, qui avaient changé de nom et de propriétaire quelques mois plus tôt, font faillite en début de saison et sont repris par la ligue qui installe temporairement la franchise à Cherry Hill au New Jersey. Durant tout le reste de la saison, les clubs qui visitent les Knights doivent enfiler leur équipement dans leur chambre d'hôtel puisqu'il n'y a pas de douches dans le vestiaire du club visiteur au Cherry Hill Arena. Pire encore, la patinoire de ce «poulailler» n'est même pas de niveau! Jamais les expressions «descente à deux contre un» et «montée à l’emporte-pièce» n'ont eu autant de sens!

Le cauchemar financier de la concession de New York se répète à Philadelphie, à Ottawa et dans bien d'autres villes encore où l'intérêt du public est moins important que prévu. À Chicago, en 1974-1975, le club est en si mauvaise posture que des joueurs en font l'acquisition, une première dans le hockey professionnel. À Cleveland, le gardien Gerry Cheevers prête de l'argent à ses coéquipiers qui attendent leurs chèques en retard de plusieurs semaines. Au Minnesota, les Fighting Saints réussissent un exploit en interrompant leurs activités deux années d'affilée, d'où leur surnom de «Folding Saints». La direction de la ligue elle-même n'est pas un modèle de stabilité, car en seulement sept saisons, cinq téméraires se succèdent à la présidence, soit Gary Davidson, Dennis Murphy, Ben Hatskin, Bill MacFarland et Howard Baldwin.

En résumé, de 1972 à 1979, l'AMH a frappé un mur à Baltimore, Birmingham, Boston, Calgary (deux fois), Cherry Hill, Chicago, Cincinnati, Cleveland, Dayton, Denver, Détroit, Houston, Indianapolis, Los Angeles, Miami, New York (deux fois), Ottawa (deux fois), Philadelphie, Phoenix, Saint Paul (deux fois), San Diego, San Francisco (la «concession flottante» refilée à vil prix à Québec), Toronto et Vancouver. Seules les villes d'Edmonton, Hartford, Québec et Winnipeg ont réussi par miracle à échapper au carnage.


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