L'argent et le hockey
Regain d'intérêt aux États-Unis, hausse spectaculaire des salaires, grève en 1992 et lock-out en 1994… En quelques années, le hockey change de visage.

Vers la fin des années 1980, le hockey professionnel connaît une véritable révolution, plus importante encore que l'expansion de 1967 ou l'arrivée de l'AMH en 1972. Le hockey, jadis parent pauvre des sports professionnels, s'enrichit considérablement. Les revenus des équipes sont à la hausse, particulièrement aux États-Unis où le hockey connaît un succès sans précédent. Des villes comme San Jose, Miami, Phoenix et Atlanta se montrent soudainement intéressées à acquérir une concession de la LNH. Au Canada, on commence par se réjouir de cette hausse de popularité, mais on a vite fait de déchanter…

Les revenus des propriétaires augmentent, mais les salaires des joueurs montent aussi en flèche. Autrefois cachés au public, ces salaires sont maintenant révélés, ce qui contribue à l’escalade, de même que la générosité irréfléchie de certains clubs comme les Blues de Saint-Louis. Le salaire moyen des joueurs, qui était en 1989 neuf fois plus élevé que le salaire du travailleur moyen, devient 30 fois plus élevé en 1995. Pour suivre ce rythme ahurissant, les propriétaires augmentent les prix des billets, accroissent leurs revenus publicitaires (solution éprouvée à Québec, où même les marches des escaliers du Colisée sont commanditées) et succombent à la nouvelle tendance aux États-Unis: les loges corporatives. Des amphithéâtres légendaires comme le Forum de Montréal, le Garden de Boston et le Stadium de Chicago sont sacrifiés au nom du progrès et des billets verts.

Avec autant d'argent en jeu, c'est bientôt la guerre des chiffres entre les propriétaires et l'Association des joueurs de la LNH, maintenant présidée par l'inflexible Bob Goodenow. Lors de leur grève au printemps de 1992, les joueurs soutiennent que les propriétaires cachent des revenus de plusieurs dizaines de millions de dollars alors que la ligue, au contraire, affirme qu'elle va perdre 102 millions en 1993-1994 si les joueurs sortent gagnants du conflit. L'Association des joueurs remporte la bataille, mais les propriétaires ne lâchent pas prise et tentent d'imposer en 1994 un plafond salarial. Les joueurs, peu impressionnés, rejettent cette idée tout en demandant plus d'autonomie. Les propriétaires renoncent finalement à cette limite et la saison reprend après trois mois de lock-out.

Ce qui nous mène à la situation des Nordiques. Sans ce fameux plafond salarial, Québec a-t-elle encore les moyens de garder son équipe de hockey? Difficile à dire. Alors que Marcel Aubut clame haut et fort que son équipe perd de l'argent, une étude du magazine Financial World indique au contraire que les Nordiques auraient affiché un profit chaque année entre 1990-1991 et 1994-1995. Les retombées économiques du club sont-elles aussi importantes qu'on le prétend? Les spécialistes du secteur privé disent oui, mais les chercheurs universitaires ne sont pas aussi affirmatifs. Les gouvernements doivent-ils investir plus de 100 millions dans la construction d'un nouveau Colisée? Grave question alors que l'argent manque en santé, en éducation et dans le domaine des arts!

En 1972, le «groupe des six» a déboursé 215 000 $ pour acquérir la concession flottante de San Francisco. Quatre ans plus tard, la brasserie O'Keefe a racheté la presque totalité des actions des Nordiques pour environ deux millions de dollars. En 1988, Marcel Aubut et ses partenaires financiers ont versé plus de 15 millions à O'Keefe pour garder le club à Québec. En 1995, ils recevront 100 millions de dollars canadiens pour s'en départir. Ahurissant!

Voir aussi
Varia: Prix des billets des Nordiques au Colisée, 1972 à 1995


Page précédente: Les joueurs anglophones
Page suivante: La vente des Nordiques (1995)