Saison 1973-1974
La deuxième saison des Nordiques se solde par un nouvel échec, imputable en grande partie aux décisions controversées de la direction.
Un an après la nomination de Maurice Richard, les Nordiques frappent un autre grand coup en confiant leur destinée à Jacques Plante. Un nom de légende: peut-être le plus grand gardien de but de toute l'histoire du hockey, le premier à porter un masque sur une base régulière. C'est bien connu, Plante est un brillant tacticien mais aura-t-il du succès derrière le banc des Nordiques? Il est également un drôle de personnage, capable d'inventer toutes sortes d'excuses pour expliquer ses revers de fortune. Malgré l'échec des négociations avec Guy Lafleur et André Savard, les Nordiques abordent cette seconde saison avec optimisme. L'arrivée de Serge Bernier, Réjean Houle et Dale Hoganson a nettement amélioré le club, qui devrait se qualifier cette fois pour les séries éliminatoires de l'AMH.
Tandis que Gordie Howe fait un retour au jeu fort remarqué à Houston avec ses fils Mark et Marty, les Nordiques connaissent un bon début de saison, inscrivant notamment une victoire convaincante de 10 à 4 à Boston. Le 8 novembre, Jacques Plante accuse les Remparts d’endommager délibérément la glace du Colisée à coups de pic après leurs entraînements pour nuire aux Nordiques. Accusation fondée? Difficile à dire avec ce sacré Jacques Plante. Les deux clubs de Québec se détestent toujours, mais les Nordiques dépassent maintenant les Remparts au chapitre des assistances. Bonne nouvelle pour la ville de Québec, qui encaisse tous les profits des ventes de bière au Colisée! Cet argent aurait été bien utile aux Nordiques…
Après une période plus creuse, les Nordiques se retrouvent à Noël au quatrième rang de leur division avec 35 points en 35 rencontres. Le club québécois manque de robustesse et se fait joliment tabasser par ses adversaires. Le 15 janvier, une terrible bagarre générale éclate sur la patinoire des «Big Bad Sharks» de Los Angeles. Encerclé par trois joueurs, Pierre Guité reçoit un coup de patin à l'estomac et doit se défendre en balançant une chaise à la tête d'un de ses agresseurs. À Québec, les amateurs réclament plus de muscle mais Jacques Plante ne bronche pas, préférant laisser ses hommes forts à Lewiston (le nouveau club-école des Nordiques). C'est le prix à payer pour se faire une place dans l'AMH: à court de bons joueurs pour compléter leur formation, certains clubs embauchent des brutes sachant à peine patiner.
Les Nordiques s'approchent à un point du premier rang de leur division à la mi-février, profitant d'une belle série de 10 victoires d'affilée à domicile. Mais le club québécois est de plus en plus secoué par les querelles internes. Jacques Plante est contesté par divers actionnaires de l'équipe, qui ont monté un «dossier noir» contre lui. Ce dossier est bien garni puisque Plante a accumulé les erreurs depuis son arrivée à Québec. Il a embauché Claude Sainte-Marie pour l'assister derrière le banc, mais les savants schémas de ce dernier ont déplu aux joueurs et Sainte-Marie a été congédié en janvier. Il a remplacé le soigneur René Lacasse par le statisticien Michel Morin, qui n'avait jamais aiguisé une paire de patins auparavant. Il a engagé le physiothérapeute Guy Girardeau, une affaire qui a mal tourné et qui s'est retrouvée devant les tribunaux. Et le dossier contient bien d’autres fautes.
Plante n'a pas plus de succès avec ses joueurs. En décembre, il se met à dos Réjean Houle en déclarant devant des journalistes qu'il lui préférerait Bob Gainey n'importe quand. On croyait que le légendaire gardien n'aurait aucune difficulté à diriger ses trois gardiens, mais c'est là aussi une vive déception. Plante se brouille avec Serge Aubry, qui jure aux journalistes qu'il ne lira jamais le livre de Jacques Plante sur l'art de garder les buts. Maurice Filion trouve une place pour Aubry à Chicago, mais Plante annule la transaction. Un mur d'incompréhension se dresse entre les joueurs et l'entraîneur, qui omet d’inclure dans les entraînements des exercices pour l'attaque à cinq.
Plus grave encore, la politique de «gratte-la-cenne» de l'équipe, qui tente d'économiser par tous les moyens! Sur ce point, il faut reconnaître que Plante n'est pas le seul à blâmer: c'est l'organisation, encore fragile financièrement, qui lui a demandé de couper les coins ronds. Des voyages impossibles à cause de vols nolisés annulés à la dernière minute, un alignement réduit au strict minimum, même Serge Bernier qui se fait demander d'économiser ses lacets! C'en est trop. Les joueurs s'unissent pour demander un peu plus de bon sens de la part de l'organisation. Peine perdue puisque la haute direction des Nordiques, aveuglée, continue de faire confiance à «son» homme.
À l'amorce du dernier week-end de la saison, les Nordiques occupent le troisième rang de la division Est, trois points devant Chicago (au cinquième rang), qui a deux rencontres de plus à disputer. Une foule de 13 699 spectateurs assiste au dernier match au Colisée contre les Toros de Toronto; les Nordiques se butent aux prouesses du gardien Gilles Gratton et encaissent une défaite de 3 à 1. C'est toutefois le comportement de Jacques Plante qui retient l'attention: l'air désintéressé, il a passé la majeure partie du match à placoter avec les membres de la direction assis derrière le banc. Le lendemain, à Boston, il se trompe sur l'heure du début de la rencontre et passe bien près d'arriver en retard. Défaits par les Whalers, les Nordiques sont écartés des séries de la coupe Avco par un tout petit point au classement.
Cette élimination fait jaser dans la Vieille Capitale. Malgré une fiche supérieure à .500, Jacques Plante ne s'avère pas le brillant entraîneur et administrateur que l'on croyait et plusieurs exigent son renvoi. Pression inutile puisque Plante quitte Québec de son plein gré le 1er mai, laissant tomber les neuf autres années de son contrat! Peu après, il annonce son retour à la compétition avec les Oilers d'Edmonton pour la saison 1974-1975. Tout devient clair. Dès le mois de janvier, Plante avait décidé de laisser tomber les Nordiques et de recommencer à s’entraîner. Il avait demandé à Jean-Claude Tremblay de diriger les entraînements de l'équipe et, se glissant hors de son bureau par une porte dérobée, il passait ses journées sur les pistes de ski de fond. Sacré Plante!
Bien entendu, le principal intéressé niera toutes ces allégations, assurant qu'il s'adonnait au ski de fond uniquement pour se détendre après les longues heures de bureau. Son biographe Raymond Plante prétend que l'ex-gardien était trop rêveur et trop innovateur pour réussir à motiver ses joueurs surpayés. Qui dit vrai? En tout cas, les Nordiques se retrouvent en bien mauvaise posture au départ de Plante: il y a un énorme trou de 500 000 $ dans la caisse. La saison suivante, avec les Oilers, Plante évitera soigneusement de disputer un seul match à Québec. Sage précaution car le public québécois a gardé un fort mauvais souvenir de son court séjour à la barre des Nordiques!
Voir aussi
Profil: Jean-Claude Tremblay
Souvenir: Le circuit maudit
Statistiques, saison 1973-1974
Cartes postales des Nordiques, saison 1973-1974
Affiches O-Pee-Chee, saison 1973-1974
Cartes Quaker, saison 1973-1974
Magazines, saison 1973-1974
Photo d'équipe, saison 1973-1974
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