La vente des Nordiques (1995)
Après avoir résisté courageusement à toutes les épreuves durant ses 23 saisons d'existence, le club québécois rend finalement l'âme au mois de mai 1995.

Début 1995, Marcel Aubut lance un dernier ultimatum à la ville de Québec et au gouvernement provincial: sans nouveau Colisée financé par un casino situé à Québec, les Nordiques seront vendus. Contrairement à 1988, l’éventualité de la vente du club ne semble pas soulever l'intérêt du public québécois. C'est qu'on en a tellement entendu parler durant les cinq ou six années précédentes. Déjà, en novembre 1989, Aubut se montrait pessimiste: «Les Nordiques sont voués à une mort certaine dans les cinq prochaines années s’ils n’obtiennent pas bientôt l’assurance de la construction d’un nouvel édifice1».

Cinq ans plus tard, toujours pas de nouveau Colisée en vue. À Québec, le maire Jean-Paul L'Allier ne lève même pas le petit doigt pour aider les Nordiques. La ville, obsédée par l'obtention des Jeux olympiques d'hiver de 2002, ne tient pas à se retrouver avec un Colisée vide. Sur la scène provinciale, l'élection du Parti québécois en 1994 donne momentanément de l'espoir, mais le gouvernement Parizeau demande à examiner les finances du club avant de s'engager. Avec Loto-Québec qui refuse d'accorder une loterie aux Nordiques, la région de Charlevoix qui ne veut rien savoir d'un autre casino tout près à Québec et 78 % de la population de la région de Québec qui juge inutile la construction d'un nouveau Colisée, on se retrouve vite à court de solutions.

Il y a une solution payante: vendre l'équipe. Les rumeurs de vente s'intensifient en 1994-1995. Après Phoenix et Atlanta, c'est Denver qui semble mener la course. À la fin du conflit entre la LNH et les joueurs, on apprend que les actionnaires des Nordiques ont donné la permission à Aubut de vendre la concession. Les mois passent, les amateurs se résignent et les Nordiques s'approchent de plus en plus de Denver. Les partisans du fan-club se mobilisent et font signer une pétition de 75 000 noms, mais c'est moins qu'à Winnipeg où toute la ville a fait front pour sauver les Jets. Quelques hommes d'affaires de la région de Québec proposent de racheter les Nordiques et de suivre l'exemple des Expos en vendant les meilleurs joueurs du club, mais c'est trop peu, trop tard.

Les négociations entre Aubut et le gouvernement québécois ne mènent nulle part. Québec propose bien de racheter les actions d'Aubut et de Marcel Dutil, et d'attendre deux ans avant de décider de garder ou non le club, mais cette offre prudente assortie de nombreuses conditions ne satisfait pas la direction du club, qui la rejette. Cette fois, le club québécois est à court de miracles. Le 25 mai 1995, en conférence de presse, Marcel Aubut annonce que les Nordiques ont été vendus au groupe américain Comsat Video pour la somme de 75 millions de dollars américains. Comsat déménage aussitôt la concession à Denver au Colorado. Aubut justifie son geste: «Les nouvelles exigences de l’industrie du hockey, la taille du marché de Québec et l’absence d’une aide gouvernementale adéquate sonnent le glas des Nordiques de Québec2».

Le 21 juin 1995, la vente est approuvée par tous les gouverneurs de la LNH à l'exception des représentants des Canadiens, qui s'abstiennent de voter. Ainsi prend fin la belle histoire d'amour entre la ville de Québec et les Nordiques. Aurait-on pu attendre encore quelques années de plus avant de vendre le club? Probablement. Mais la direction des Nordiques voulait son nouveau Colisée immédiatement, pas dans la semaine des quatre jeudis!

Notes de référence
1. Le Soleil, 11 novembre 1989, p. S8.
2. La Presse, 26 mai 1995, p. S2.


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