La bataille du Québec
Véritable guerre psychologique à certains moments, la rivalité entre les Canadiens et les Nordiques a passionné le Québec tout entier.
La rivalité entre les villes de Montréal et de Québec ne date pas d'hier, mais elle connaît son apogée lors de la «bataille du Québec» entre les Canadiens et les Nordiques. Pour une fois, les deux villes ont l'occasion de régler leurs différends à armes égales. La compétition Canadiens-Nordiques devient rapidement la plus grande rivalité du hockey professionnel, plus intense encore que les antagonismes opposant Edmonton à Calgary et les Rangers aux Islanders. Dès le début du séjour de Québec dans l'AMH, les deux clubs ont appris à se détester. À Montréal, on n'aime pas du tout ce petit club prétentieux qui empiète sur le territoire sacré des Canadiens et qui courtise les meilleurs joueurs du Tricolore, les Tremblay, Houle, Tardif, Lafleur et même Béliveau. À l'autre bout de la «20», on en veut à cette organisation hautaine du Forum qui refuse d'organiser un match hors-concours entre les deux équipes et qui a le culot de bloquer l'accession des Nordiques à la LNH en 1979. Mais la fusion entre l'AMH et la LNH finit par se réaliser, et la bataille du Québec peut enfin débuter.
L'arrivée des Nordiques dans la LNH coïncide avec un certain malaise au sein de la direction des Canadiens, secouée par les éliminations hâtives et la controverse entourant le choix de Doug Wickenheiser au repêchage de 1980. Québec frappe un grand coup avec sa victoire au premier tour des éliminatoires de 1982: c'est «l’allergie bleue» à Montréal, les Nordiques passent pour l'équipe du «peuple» francophone et les Canadiens pour l'équipe de «l’establishment» anglophone. La nouvelle direction des Canadiens a vite fait de démentir cette évocation; c'est dorénavant Marcel Aubut contre Ronald Corey, Maurice Filion contre Serge Savard, Michel Bergeron contre Jacques Lemaire, et même Jean-D. Legault contre Claude Mouton! Pendant ce temps, à l'extérieur de la patinoire, la «guerre du houblon» fait rage entre O'Keefe, propriétaire des Nordiques, et Molson, qui détient les Canadiens.
La guerre est totale: à Québec, on hue tout ce qui porte un chandail des Canadiens, que ce soit Guy Lafleur, un soigneur ou les joueurs du «p’tit canadien» au tournoi pee-wee; chez le Tricolore, on organise des repas du joueur du mois dans la région de Québec et on arrache une annonce de O'Keefe de la bande du Colisée! En 1984, les deux organisations font des efforts démesurés pour inviter les premières les héros olympiques québécois Gaétan Boucher et Sylvie Bernier, qui doivent bien se demander dans quelle galère ils se sont embarqués. Toujours alimentée par les médias, la rivalité atteint son paroxysme lors du triste épisode de la bagarre du Vendredi saint, en 1984. Cette année-là, on estime qu'au Québec, 40 % de la population favorise les Canadiens contre 21 % en faveur des Nordiques. Cependant, O'Keefe a réussi à devancer Molson dans les parts de marché. On se console comme on peut!
Après 1987, avec le départ de Bergeron, le déclin des Nordiques et la fusion entre Molson et O'Keefe, la rivalité s'essouffle considérablement. Les partisans des Canadiens se font de plus en plus nombreux au Colisée, comptant pour plus du quart des spectateurs lors des affrontements entre les deux équipes. En 1993, les Nordiques ne récoltent plus que 17 % des appuis au Québec contre 57 % pour les Canadiens. Ces derniers, en plus d'avoir gagné trois des cinq séries éliminatoires opposant les deux clubs, finissent par remporter la bataille du Québec avec une fiche de 62-39-12 en saison régulière. Après le départ des Nordiques en 1995, ce qui était encore impensable quelques années plus tôt finit par se réaliser: Québec accepte d'héberger le club-école des Canadiens (les Citadelles)… et les partisans du Tricolore s'ennuient des Nordiques!
Voir aussi
La bataille du Québec, 30 ans après
Varia: Fiche des Nordiques contre les Canadiens, 1979 à 1995
Si vous possédez sur vidéocassette ou DVD le premier match de la série Canadiens-Nordiques de 1982, veuillez me contacter à l'adresse suivante:
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