Saison 1974-1975
Mieux organisés et revigorés par l'arrivée de Marc Tardif, les Nordiques connaissent enfin du succès et se rendent en finale de la coupe Avco.
C'est la désolation dans le camp des Nordiques après le passage de Jacques Plante. Enfoncée dans le rouge, l'équipe a épuisé ses liquidités et demande un million de dollars aux actionnaires pour se renflouer. La campagne de financement est un échec avec une récolte d'à peine 250 000 $ et certains actionnaires déçus songent à mettre le cadenas sur la porte. Soudain, le millionnaire beauceron André Veilleux entre dans le portrait et provoque un coup de théâtre en proposant d'acheter les Nordiques. Ce rebondissement inattendu laisse croire aux actionnaires que le club ne doit pas être en si mauvaise posture. Veilleux investit 50 000 $ et se joint au conseil d’administration, mais il outrepasse ses pouvoirs et tente de se débarrasser de la moitié des joueurs. On lui fait comprendre que c’est le boulot de Maurice Fillion. La situation est intenable: Veilleux quitte les Nordiques avec fracas deux semaines après son arrivée, mais son intervention a remonté le moral des actionnaires qui en avaient bien besoin.
Un nouvel état-major s’installe aux commandes avec des responsabilités bien définies. Fini le cirque à Québec! John Dacres devient le deuxième président des Nordiques, Maurice Filion amorce un long mandat comme directeur-gérant de l'équipe et Jean-Guy Gendron prend sa retraite en tant que joueur pour accéder au poste d'entraîneur. Peu de nouveaux joueurs, mais Réal Cloutier constitue une précieuse acquisition: la «fierté de Saint-Émile» est l'un des meilleurs espoirs de 18 ans recrutés par une équipe de l'AMH cet été-là. Maintenant commandités par la brasserie O'Keefe, les Nordiques font désormais partie de la nouvelle division canadienne de l'AMH avec Toronto, Winnipeg, Edmonton et Vancouver.
Au faîte de sa puissance, le circuit maudit obtient sa revanche sur la LNH en organisant une série de huit rencontres contre l'Union soviétique. La série démarre le 17 septembre 1974 au Colisée par un match nul de 3 à 3 entre les Soviétiques et Équipe-Canada; les Nordiques y sont représentés par Serge Bernier, Réjean Houle et Jean-Claude Tremblay. Les joueurs de l'AMH complètent les quatre rencontres en sol canadien avec une fiche de 1-1-2, un point de plus que les vedettes de la LNH en 1972. Après une escale en Scandinavie, Équipe-Canada perd les deux premiers matches à Moscou et se fait voler la victoire dans le septième match: Bobby Hull marque à la toute fin de la rencontre, mais le but est annulé parce qu'il ne restait plus de temps au tableau; les préposés au chronométrage se sont permis d'écouler de précieuses secondes durant les arrêts de jeu… Mal organisés et mal dirigés, les représentants de l'AMH ne récoltent donc qu'un point à Moscou et rentrent au pays dans la disgrâce. Une série rapidement oubliée au Canada, malgré le jeu sublime de Jean-Claude Tremblay, qui a beaucoup impressionné les Soviétiques.
Entre-temps, l'AMH a remporté son premier match hors-concours contre la LNH: les Aeros de Houston ont battu les Blues de Saint-Louis par 5 à 3 le 26 septembre. Dès le début de la saison 1974-1975, les Nordiques luttent pour le premier rang de la division canadienne avec les Toros de Toronto, mais le jeu endormant des Fleurdelisés déçoit les amateurs, qui boudent le Colisée. Après de longs mois d'attente, les Nordiques mettent finalement la main sur l'as-marqueur Marc Tardif le 7 décembre. Superbe à son premier match contre Houston, Tardif donne un nouveau souffle à l'équipe qui se met à jouer du hockey innovateur et divertissant. Après 39 rencontres, le club québécois occupe le premier rang de sa division avec 48 points (trois de plus que Toronto), au plus fort d'une série de neuf victoires consécutives.
Devenus l’une des nouvelles puissances de la ligue, les Nordiques envoient cinq joueurs au match des étoiles de l'AMH: Tardif, Bernier, Houle, Tremblay et Hoganson. Les spectateurs s'entassent au Colisée pour assister aux prouesses des Fleurdelisés, un joli contraste avec Cleveland, Chicago et Détroit où les clubs de l'AMH s’exécutent devant des estrades quasiment vides. Médiocres sur la route à leurs deux premières saisons, les Nordiques y jouent maintenant pour environ .500, mais ils se font toujours brasser comme ce n'est pas permis: le 27 février, les Blazers de l'entraîneur Joe Crozier s'en prennent à Marc Tardif, laissé sans protection. Encouragés par le succès des Flyers de Philadelphie dans la LNH, de plus en plus de clubs de l'AMH succombent à la tentation et adoptent les tactiques d'intimidation perfectionnées par les «Broad Street Bullies».
Malgré sept défaites de suite au mois de mars, les Nordiques s'accrochent au premier rang de leur division et assurent leur championnat le 2 avril par un gain de 5 à 3 au Minnesota contre les Fighting Saints. Pour souligner cet exploit, les Fleurdelisés sablent le champagne dans le vestiaire, éclaboussant au passage Jean-Claude Tremblay et son bel habit tout neuf. Évidemment, «JC» ne la trouve pas drôle du tout celle-là! Le club québécois affronte en première ronde les Roadrunners de Phoenix et remporte les deux premiers matches au Colisée, par 5 à 2 et 6 à 2. Il gagne le troisième match à Phoenix, mais s'incline en prolongation deux jours plus tard sur un but de Michel Cormier. Les Nordiques éliminent finalement les Roadrunners en cinq parties, bien que ceux-ci les aient dominés au chapitre des tirs au but durant la série.
Affrontant le Minnesota en demi-finale, les Nordiques gagnent le premier match au Colisée par 4 à 1, mais ils gâchent une avance de 3 à 1 dans le second match, que remportent les Fighting Saints par 5 à 3. Les deux clubs s'échangent des victoires au Minnesota, puis les Fleurdelisés remportent les deux derniers matches de la série grâce à leur excellent jeu défensif et la tenue irréprochable de Richard Brodeur, leur nouveau gardien numéro un. Les Nordiques sont donc qualifiés pour la finale de la coupe Avco et se préparent à rencontrer la famille Howe et les puissants Aeros de Houston. S'attendant à quelques jours de congé, l'équipe québécoise est plutôt expédiée sur-le-champ à Houston, où une surprise l’attend…
Un important congrès va débuter et la ligue a oublié de réserver des chambres aux Nordiques pour la durée de leur séjour à Houston. Les joueurs sont envoyés à la hâte dans de modestes appartements infestés de coquerelles et dénués de lits, de chaises et même de savon. Larry Hale, des Aeros, note avec humour: «La dernière fois qu'une chose pareille est arrivée, c'était à Bethléem il y a 2000 ans1». Heureusement, des journalistes dénichent un hôtel pour les Fleurdelisés après le premier match. Privés des services de Jean-Claude Tremblay, les Nordiques sont déclassés par la troupe de Bill Dineen et s'inclinent en quatre rencontres. Le club québécois peut tout de même être fier de sa troisième saison, une belle réussite après le cauchemar de l'année précédente. La coupe Avco n'est pas bien loin, mais les Nordiques doivent songer à ajouter de la robustesse à leur formation.
Notes de référence
1. Claude Larochelle, Les Nordiques: 10 ans de suspense, Sillery, Lotographie, 1982, p. 245.
Voir aussi
Souvenir: Les malheurs de l'AMH
Souvenir: Les équipes de l'AMH
Statistiques, saison 1974-1975
Cartes O-Pee-Chee, saison 1974-1975
Magazines, saison 1974-1975
Photo d'équipe, saison 1974-1975
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