Saison 1976-1977
Les Nordiques atteignent un sommet par une victoire surprenante contre l'URSS et la conquête de la coupe Avco face aux Jets de Winnipeg.
Les Nordiques ont inscrit un premier profit de 100 000 $ en 1975-76, mais la situation financière du club reste périlleuse et de nombreux actionnaires sont prêts à vendre leurs actions. Deux brasseries sont intéressées à racheter l'équipe pour mousser la vente de leurs produits dans la région de Québec: O'Keefe et Labatt. Sous l'impulsion de Jean Lesage et Georges Labrecque, la brasserie O'Keefe dépose à l'été 1976 une première offre d'achat, imitée peu de temps après par la brasserie Labatt. C'est finalement O'Keefe qui présente l'offre la plus intéressante pour les actionnaires, qui acceptent à la quasi-unanimité de vendre leurs actions (les 7 % d'actions restantes seront rachetées par O'Keefe trois ans plus tard).
La transaction est estimée à plus de deux millions de dollars et se trouve complétée le 18 août 1976; elle sera approuvée par le gouvernement fédéral en novembre. Avec la brasserie O'Keefe dans le paysage, les déficits ne sont plus à craindre! Plus important encore, le club québécois est maintenant fort bien posté en cas de fusion entre l'AMH et la LNH, une situation qui exigerait probablement un nouvel investissement important. O'Keefe ne procède pour l'instant à aucun changement à la direction du club, qui est sur le point d'accueillir dans ses rangs un jeune avocat du nom de Marcel Aubut. Derrière le banc des Nordiques toutefois, Jean-Guy Gendron est remplacé par Marc Boileau, que les Penguins de Pittsburgh de la LNH viennent de congédier.
Le départ de Réjean Houle est contesté par les partisans de l'équipe, tout comme l'échange expédiant Dale Hoganson à Birmingham contre Jim Dorey. En revanche, l'arrivée d'André Boudrias (obtenu du Minnesota contre Gordie Gallant), de Paulin Bordeleau, de Paul Baxter et de Wally Weir, ainsi que le retour de François Lacombe et de Serge Aubry semblent bien renforcer les Nordiques. La formation 1976-1977 apparaît donc supérieure à celle de l'année précédente. Reste à voir comment se débrouillera Marc Tardif après les incidents qui l’ont laissé sur la touche; l’agresseur Jodzio est lui aussi de retour dans son équipe après sa «suspension d'été». Les actes de violence de la saison précédente ont incité d’ailleurs la direction des Nordiques à rendre obligatoire le port du casque pour tous les joueurs.
Les Fleurdelisés affrontent les Cowboys de Calgary dans leur match inaugural le 9 octobre et aucun événement regrettable ne vient ternir la rencontre. Sans disparaître du hockey, la violence semble en régression après l'incident Jodzio-Tardif; la victoire convaincante des Canadiens de Montréal sur les Flyers de Philadelphie en finale de la coupe Stanley le printemps précédent y est sans doute pour quelque chose aussi. Libérés de cette menace, les Nordiques connaissent un départ fulgurant. Réal Cloutier se distingue notamment par une brillante soirée de cinq buts le 26 octobre contre Phoenix. Dans la nouvelle division Est de l'AMH, personne ne peut suivre le rythme endiablé du club québécois, à part Cincinnati qui réussit à rattraper Québec au premier rang en novembre.
Les observateurs ne tarissent pas d'éloges à l’endroit de l'entraîneur Marc Boileau, un homme méthodique, discipliné, autoritaire et… très émotif. Le 16 novembre, Curt Brackenbury s'en prend à Dan Labraaten des Jets de Winnipeg, au grand dam de Bobby Hull qui a toujours déploré le traitement brutal réservé à ses coéquipiers suédois. Hull et Bobby Kromm (l'entraîneur des Jets) déversent leur fiel sur Maurice Filion et Marc Boileau, qu'ils traitent de «chiens sales» et de «bouffons». Ces propos ne tombent pas dans l'oreille d'un sourd: le 23 novembre, lors de la visite des Jets au Colisée, Boileau engage le combat avec Kromm dans le petit local des officiels. La rivalité s’intensifie entre ces deux formidables équipes canadiennes et le 26 décembre, à Winnipeg, les Nordiques infligent aux Jets un affront inoubliable, les humiliant par 12 à 3.
Malgré leurs exploits, les Nordiques sont toujours snobés par la LNH. L'entraîneur des Flyers, Fred Shero, déclare que les clubs de l'AMH ne seraient même pas capables de battre les minables Capitals de Washington. On ne se gêne pas pour prédire la disparition imminente de l'AMH, réduite à 12 clubs ou plutôt 11 1/2 tellement la situation est critique au Minnesota. C'est à ce moment que la puissante formation de l'URSS se présente à Québec pour disputer un match hors-concours face aux Nordiques, dernière d’une série de huit rencontres en sol nord-américain. Contre toute attente, les Fleurdelisés ne font qu'une bouchée des Soviétiques, l’emportant par 6 à 1 devant un public québécois euphorique. Déchaînés, les Nordiques se sont même permis d'envoyer aux douches le grand Vladislav Tretiak, un exploit hors du commun.
Mieux encore, les héros de la soirée sont deux joueurs marginaux, le costaud Curt Brackenbury, qui a marqué deux buts, et le gardien réserviste Ed Humphreys, appelé en renfort pour remplacer Richard Brodeur. Après la rencontre, Serge Bernier jubile: «Nous venons de faire la preuve que nous appartenons à une véritable équipe professionnelle. Nous avons pris la mesure de la meilleure équipe de hockey au monde1». Les Soviétiques ont beau raconter qu'ils étaient fatigués après cette longue série et que leur gardien vedette a appris à la toute dernière minute qu'il allait commencer le match, cette victoire rehausse la crédibilité des Nordiques et de l'AMH. Pas assez pour mettre fin aux préjugés et aux mauvaises blagues toutefois!
Après six gains d'affilée à l’étranger en janvier, les Fleurdelisés ralentissent en février et subissent une dégelée de 7 à 0 à Birmingham. Filion et Boileau critiquent vertement leur troupe, privée des services de Marc Tardif qui doit rater quelques matches à cause de violents maux de tête. Mais sans grande opposition, les Nordiques remportent le championnat de leur division le 27 mars et terminent la saison 14 points devant les Stingers de Cincinnati. Réal Cloutier rafle le championnat des compteurs avec une splendide récolte de 141 points, soit 66 buts et 75 passes. Pour sa part, Marc Tardif franchit le cap des 100 points après avoir disputé seulement 62 rencontres, excellente performance après l’incident du printemps précédent.
Les Nordiques entament les séries de la coupe Avco en se mesurant aux Whalers de la Nouvelle-Angleterre. Après deux victoires faciles au Colisée, les hommes de Marc Boileau gagnent le troisième match en prolongation sur un but de Paul Baxter, mais ils doivent concéder le match suivant aux Whalers. Québec blanchit ses adversaires trois jours plus tard et remporte la série par 4 à 1, avant d'accueillir les Racers d'Indianapolis pour le second tour des éliminatoires. Le scénario se répète: deux victoires au Colisée, gain en prolongation à Indianapolis (but de Paulin Bordeleau), défaite au quatrième match puis élimination des Racers à Québec le 2 mai. Voici donc les Fleurdelisés propulsés en finale de la coupe Avco contre les Jets de Winnipeg, vainqueurs de l'autre demi-finale face à Houston.
Québec perd de justesse le premier match à domicile mais égalise la série trois jours plus tard, avant de subir une correction de 6 à 1 au troisième match à Winnipeg. Démoralisés, les Nordiques parviennent toutefois à se regrouper et arrachent un gain de 4 à 2 au match suivant, au grand bonheur de Marc Boileau qui pleure comme un enfant après la rencontre. Les Fleurdelisés écrasent les Jets 9 à 2 dans le cinquième match au Colisée, mais Winnipeg n'a pas dit son dernier mot et passe le club québécois dans le tordeur le 24 mai, avec une leçon de 12 à 3. Scène d'épouvante pour les Nordiques, qui ont vu également leur entraîneur expulsé de la rencontre!
Le match décisif a lieu au Colisée le 26 mai. Après vingt minutes de jeu, le pointage est toujours de 0 à 0. Les Nordiques frappent tôt en deuxième période avec trois buts en six minutes, mais Dan Labraaten déjoue Richard Brodeur peu après pour réduire l'avance des Fleurdelisés à deux buts. C'est alors que Jean-Claude Tremblay surprend le gardien Joe Daley de son fameux tir «papillon» à partir du centre de la glace; c’est un but qui brise les reins des Jets et sème la frénésie dans la foule, déjà prête à sabler le champagne. Les Nordiques marquent deux autres buts avant la fin de la période et en rajoutent deux en début de troisième, se dirigeant vers un triomphe incontestable de 8 à 2 et une première conquête de la coupe Avco.
Entouré de dizaines de partisans descendus sur la patinoire dont quelques-uns brandissant fièrement le drapeau du Québec, Marc Tardif reçoit des mains de Ben Hatskin la coupe Avco, imposant trophée qui tire son nom d'une société de prêts. Le capitaine des Nordiques fait le tour de la patinoire avec la coupe, un moment inoubliable pour les amateurs québécois qui voient enfin leur équipe triompher après cinq ans d'efforts soutenus. Avec ses 14 buts et 22 passes en 17 matches éliminatoires, Serge Bernier est nommé joueur par excellence des séries de la coupe Avco. Le lendemain, plus de 100 000 personnes se massent dans les rues de la Vieille Capitale pour assister au défilé qui se termine à l'hôtel de ville de Québec par les traditionnelles signatures dans le livre d'or. Ému, le maire Gilles Lamontagne promet de faire l'impossible pour que le Colisée soit agrandi au plus tôt.
Bonne nouvelle puisque la fusion tant attendue entre l'AMH et la LNH semble enfin sur le point de se réaliser! «Québec a été acceptée par la Ligue nationale, c'est ce que je dois conclure de la réunion de New York2», déclare le président des Nordiques, John Dacres. Pour la modique somme de trois millions de dollars, les clubs de l'AMH qui en ont les moyens pourront faire le saut dans la LNH dès l'automne suivant. Une formalité pour la brasserie O'Keefe et les Nordiques, qui salivent déjà à l'idée de se mesurer aux champions de la coupe Stanley, les Canadiens de Montréal! Les Nordiques ont-ils remporté la dernière coupe Avco de l'histoire? Jean-Claude Tremblay est loin d'en être convaincu: «La fusion, j'y croirai quand je la verrai. Pas avant. C'est ma conviction personnelle que ça ne se fera pas aussi vite qu'on le dit3».
Notes de référence
1. Le Soleil, 10 janvier 1977, p. C2.
2. Le Soleil, 27 mai 1977, p. C1.
3. Le Soleil, 28 mai 1977, p. D3.
Voir aussi
Profil: Marc Tardif
Statistiques, saison 1976-1977
Sommaire: Premier match contre l’URSS
Sommaire: La conquête de la coupe Avco
Affiches Marie-Antoinette, saison 1976-1977
Cartes postales des Nordiques, saison 1976-1977
Cartes O-Pee-Chee, saison 1976-1977
Magazines, saison 1976-1977
Photo d'équipe, saison 1976-1977
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