Saison 1981-1982
Les jeunes Nordiques causent une surprise durant les séries de la coupe Stanley en éliminant les Canadiens de Montréal et les Bruins de Boston.

Après la spectaculaire remontée des Nordiques dans les 30 derniers matches de la saison précédente et leur belle performance en séries contre les Flyers, les amateurs de Québec sont confiants alors que s’annonce la troisième saison des Fleurdelisés dans la LNH. D'autant plus que l'organisation québécoise a réussi à mettre le grappin sur deux autres joueurs tchécoslovaques, le jeune Miroslav Frycer et Marian Stastny qui rejoint ses deux frères après s'être échappé de son pays avec sa femme et ses enfants. Malgré les nombreux efforts de Marcel Aubut et de Gilles Léger, c'est toutefois la fin de la «filière tchécoslovaque», car là-bas on se méfie de Québec après ces coups d'éclat.

Dans la division Adams, les Nordiques se retrouvent aux côtés des Canadiens de Montréal, des Bruins de Boston, des Sabres de Buffalo et des Whalers de Hartford, une concentration d’équipes parmi les plus fortes du circuit. Les Nordiques ont du talent à revendre avec le prodigieux trio des frères Stastny et un nouveau duo appelé à faire des ravages, constitué de Dale Hunter et de Michel Goulet. À la défense, la jeunesse est de mise avec Mario Marois (24 ans), Pierre Lacroix (23 ans), Normand Rochefort et Dave Pichette (22 ans). Impressionné, le journaliste Stan Fischler prédit aux Nordiques le premier rang de la division Adams, mais ses collègues de la Vieille Capitale penchent plutôt pour le deuxième ou le troisième rang.

Des négociations houleuses entre la direction et les vedettes Daniel Bouchard et Jacques Richard assombrissent un peu le camp d’entraînement. Finalement, les deux joueurs obtiennent beaucoup moins qu'ils ne visaient. Bouchard ayant perdu la forme, c'est le vétéran Michel Plasse qui prend le départ devant le filet des Nordiques. En début de campagne, Marc Tardif se démarque enfin avec 20 buts dans les 28 premières rencontres. À la fin du mois de novembre, les Fleurdelisés occupent le premier rang de leur division, mais ils sont rapidement rejoints par les puissants Canadiens de Montréal qui ont cinq matches de plus à jouer.

En décembre, les Nordiques connaissent de sérieux ennuis et la grogne s'installe chez les vétérans, les Bouchard, Plasse et Dupont qui contestent le leadership de l'entraîneur Michel Bergeron. Le «tigre» perd son meilleur allié le 30 décembre lorsque le capitaine Robbie Ftorek, au bord de la faillite, se voit forcé d'exiger une transaction avec une équipe américaine. Il est échangé aux Rangers contre Jere Gillis et Dean Talafous, lequel prend aussitôt sa retraite. Talafous est finalement remplacé par Pat Hickey, qui, tout comme Gillis, ne portera pas l'uniforme fleurdelisé bien longtemps. Aussi bien dire que le club n'a rien obtenu en retour de Ftorek, qui quitte en larmes les Nordiques mais qui reviendra plus tard à Québec en tant qu'entraîneur-adjoint.

À la mi-saison, les Nordiques se maintiennent au septième rang du classement général avec 45 points, mais ils ne sont que quatrièmes dans la puissante division Adams. Le 12 janvier 1982, Québec échange Michel Plasse à Hartford contre un autre gardien substitut, John Garrett. Très spectaculaire devant son filet, Garrett connaît néanmoins des ennuis en relève de Daniel Bouchard, affichant une moyenne de buts alloués de 5,17. La jeune défensive des Nordiques est débordée et il n'est pas rare que les Fleurdelisés accordent plus de six buts dans un même match, notamment le 26 janvier où les Canadiens l'emportent par 8 à 3 sur la glace du Colisée. Heureusement, les Nordiques se reprennent le 23 février par un gain de 4 à 3 sur le Tricolore. Avec une fiche de 4-0 au Colisée, la chanteuse Ginette Reno porte chance aux Fleurdelisés, comme Kate Smith autrefois pour les Flyers.

Les Nordiques manquent visiblement de robustesse, ne comptant que sur Dale Hunter et Wally Weir à ce chapitre. Ils sacrifient donc le talentueux Miroslav Frycer, auteur de quatre tours du chapeau en seulement 49 rencontres, et vont chercher à Toronto le solide ailier droit Wilfrid Paiement, un joueur de choc capable de réveiller ce club québécois apparemment éteint. Sur la glace, les Nordiques déçoivent encore avec seulement deux victoires en mars et une seule victoire en 17 matches à l’étranger, mais dans le vestiaire, l'arrivée de Paiement et l'enthousiasme retrouvé du capitaine André Dupont font des merveilles. En vertu de nouvelles règles pour les séries éliminatoires, les Fleurdelisés affrontent au premier tour les meneurs de la division Adams, les Canadiens de Montréal. Toute une série en perspective!

Malgré un écart de 27 points entre les deux équipes en saison régulière, cette première manche de ce qui deviendra au fil des années la «bataille du Québec» promet d'être fort excitante. Tout le Québec se passionne pour le duel. Sûrs de leur coup, certains partisans du Tricolore voient leurs favoris pulvériser les Fleurdelisés, comme ce citoyen de La Baie qui écrit: «Sérieusement, pour que les Nordiques aient la moindre chance de gagner cette série, il faudrait que le Canadien les affronte sans gardien de but. Alors là peut-être réussiront-ils à remporter une victoire. Si les Nordiques ont progressé de quatre ans dans leur évolution avec l'embauche des frères Stastny, maintenant il vont régresser de quatre ans dans cette farce du siècle. Le Canadien en trois, vu la différence de calibre entre les deux formations1».

Quelques rares observateurs se risquent toutefois à accorder la victoire aux Nordiques. N'a-t-on pas vu les Canadiens perdre tous leurs moyens à quelques reprises au Colisée? Cependant, Québec n'a pas encore remporté un seul match sur la glace du Forum. Dans le premier match disputé le 7 avril à Montréal, les Canadiens battent facilement les Nordiques par 5 à 1; la défaite est coûteuse pour les Fleurdelisés qui perdent les services de leur as-compteur Peter Stastny, blessé à un rein. Le lendemain, Montréal domine encore avec 35 tirs au but contre 17, mais le gardien Daniel Bouchard résiste avec brio et les Nordiques l’emportent par 3 à 2. Cette première victoire au Forum tombe à point.

La série se transporte au Colisée, où, devant un public déchaîné, les Nordiques l'emportent par 2 à 1 avec deux buts de Dale Hunter qui en fait voir de toutes les couleurs aux Glorieux. Faisant subitement face à l'élimination, le club de la rue Sainte-Catherine sort les «gros bras», c’est-à-dire ceux de Chris Nilan et Jeff Brubaker, qui sèment la panique chez les Nordiques. Résultat: une dégelée de 6 à 2, qui rend la série égale, 2-2, et impose un cinquième et ultime match. Incapables de remporter le «gros match» à domicile contre les Canadiens en séries éliminatoires, les Nordiques auront-ils plus de chance au Forum?

L'ultime rencontre a lieu le 13 avril 1982. Toujours privés des services de Peter Stastny, les Fleurdelisés prennent les devants par 2 à 0 en première période grâce à des buts de Paiement et d'Anton Stastny. De son côté, la troupe de Bob Berry se voit refuser deux buts, un de Mark Napier à cause d'un hors-jeu et un autre de Larry Robinson, qui s’est fait surprendre à glisser la rondelle sous le côté du filet. Le reste de la partie se déroule dans la zone des Nordiques, où leur défensive éclopée résiste tant bien que mal aux assauts répétés de la formidable offensive du Tricolore. Sensationnel, Daniel Bouchard finit par céder en troisième période sur des tirs de Mario Tremblay et Robert Picard, deux buts rapides qui égalent la marque. Par miracle, Bouchard limite les dégâts et le match va en prolongation. Au Forum et dans tous les foyers du Québec, la tension est à couper au couteau.

Au tout début de la prolongation, Réal Cloutier et Dale Hunter s'élancent à deux contre un vers la cage défendue par Rick Wamsley. Après avoir contourné le filet, Cloutier passe la rondelle à Hunter qui balaie le disque tout juste entre le poteau et la jambière de Wamsley. Après quelques secondes qui paraissent une éternité, l'arbitre indique que la rondelle a bel et bien traversé la ligne rouge. Les Nordiques ont battu les Canadiens! C’est un triomphe inattendu sur l'ennemi numéro un des Fleurdelisés, une victoire sur les fantômes du Forum. À Québec, les partisans sont si euphoriques qu'on se croirait à la Libération. Mais pour les joueurs du Canadien, qui ont dominé la série, c'est la consternation. Robert Picard est fort déçu: «Je vais vivre l'été le plus long de ma vie. Ça fait très mal2».

Prochaine étape pour les Nordiques, les Bruins qui l'emportent par 4 à 3 à la toute dernière minute du premier match à Boston. Nouveau coup dur pour les Fleurdelisés, Daniel Bouchard est mis hors de combat par un empoisonnement alimentaire. Le gardien réserviste John Garrett est précipité en pleine action; il essuie une cuisante défaite de 8 à 4 dans le second match. Il se ressaisit néanmoins et offre dans la troisième match une performance magistrale devant le filet des Nordiques; la rencontre se solde par une victoire en prolongation sur un but de Paiement. Québec enfile deux autres victoires mais échappe la sixième rencontre au Colisée, dont l’issue ne survient qu’en prolongation sur un but de Peter McNab. Dans le dernier match de la série au vieux Garden, Daniel Bouchard revient en force et Dave Pichette inscrit le but gagnant; les Nordiques l’emportent par 2 à 1 et éliminent les Bruins.

Après 12 matches épuisants en 16 jours, les Nordiques font face à un défi encore plus redoutable: leurs adversaires en demi-finale sont les champions de la coupe Stanley, les Islanders de New York. Alger Arbour dirige de main de maître cette équipe qui a bien failli se faire surprendre par Pittsburgh au premier tour, mais qui a retrouvé ses allures de championne. Aussi les Islanders ne prennent-ils aucun risque contre l'offensive meurtrière des Nordiques: ils ferment le jeu et remportent deux victoires monotones de 4-1 et 5-1 à Uniondale. De retour au Colisée le 1er mai, les Fleurdelisés se battent avec l'énergie du désespoir mais ils doivent s'avouer vaincus en prolongation sur un but de Wayne Merrick. Les Islanders balaient finalement les Nordiques en quatre rencontres et s’acheminent vers une troisième coupe d'affilée, qu’ils remporteront au terme d’une finale contre Richard Brodeur et les surprenants Canucks de Vancouver.

Malgré la défaite, le public québécois applaudit à tout rompre ses favoris qui viennent de démontrer tout leur talent. En ce printemps de 1982, le club québécois a éliminé deux adversaires coriaces et théoriquement supérieurs, les Canadiens de Montréal et les Bruins de Boston. Ces trois équipes sont appelées à se revoir très souvent en éliminatoires dans les années à venir, ce qui promet des affrontements passionnants. Pour aller au-delà, c’est-à-dire pour se rendre à la finale, les Nordiques devront cependant corriger une lacune majeure, leur défensive trop poreuse.

Notes de référence
1. Le Soleil, 1er avril 1982, p. C5.
2. Claude Larochelle, Les Nordiques: 10 ans de suspense, Sillery, Lotographie, 1982, p. 355.

Voir aussi
Souvenir: La bataille du Québec
Statistiques, saison 1981-1982
Sommaire: Suspense au Forum
Sommaire: Les Nordiques éliminent les Bruins
Cartes postales des Nordiques, saison 1981-1982
Cartes O-Pee-Chee/Topps, saison 1981-1982
Autocollants O-Pee-Chee, saison 1981-1982
Cartes Post, saison 1981-1982
Magazines, saison 1981-1982
Photo d'équipe, saison 1981-1982

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